L'ambassadeur de la Fédération de Russie au Canada, Georgiy Mamedov, estime que la situation en Afghanistan est toujours «très difficile» et que les talibans n'ont pas véritablement été affaiblis par la présence militaire canadienne sur le terrain.
«Ils sont encore forts», a affirmé Georgiy Mamedov au cours d'une rencontre avec quelques journalistes dans la capitale fédérale. Pour le diplomate de carrière, cela est un constat malheureux et douloureux qui ne se veut d'aucune façon un reproche à la présence militaire canadienne à Kandahar.
Bien au contraire. «C'est même dans notre intérêt le plus égoïste que le Canada demeure en Afghanistan, insiste-t-il. Car le jour où vous vous retirerez, nous serons seuls encore. Et, géographiquement, on ne peut s'envoler vers la lune ou mettre notre tête dans le sable.»
Le diplomate souhaite donc que le Canada et les pays de l'OTAN demeurent en Afghanistan aussi longtemps qu'il le faudra pour démocratiser le pays et écarter les fondamentalistes talibans.
«Mon pays est très vulnérable, dit-il, parce que nous vivons dans le voisinage et nous ne voulons pas que les talibans ou Al-Qaeda connaissent du succès. C'est dans notre intérêt que les talibans soient le plus faibles possible.»
Georgiy Mamedov rappelle les plaies béantes que la longue campagne afghane menée par l'Union soviétique, de 1979 à 1989, a laissées à son pays. C'est pour cela et pour la menace que constituent les talibans pour la Russie, ajoute-t-il, que son gouvernement épaule le Canada et les pays de l'OTAN là-bas.
«En ce moment, on travaille avec vous pour aider le gouvernement Karzaï, même si on ne peut envoyer de troupes sur le terrain, un scénario complètement impensable sur le plan politique, explique-t-il. Ce serait comme demander aux Américains d'envoyer à nouveau leurs soldats au Vietnam. Or, nous agissons par l'entremise de l'aide économique, humanitaire et militaire, dont le partage d'informations avec vous. Nous travaillons aussi avec le Pakistan, avec l'Iran et avec les autres acteurs qui sont impliqués là-bas.»
Sur le plan militaire, assure l'ambassadeur Mamedov, la collaboration entre l'état-major russe et les soldats canadiens est constante. «Nos échanges se font sur une base régulière, dit-il, mais évidemment je ne puis discuter la substance de ces informations. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous essayons d'aider vos soldats sur le terrain. Nous avons beaucoup d'expérience là-bas; nous avons toute une histoire avec les talibans, et c'est pourquoi nous partageons avec le Canada nos renseignements. Et, selon vos autorités militaires, cela a contribué à sauver un certain nombre de vies canadiennes sur le terrain.»
Combattants tchétchènes
Pendant toute la durée de la conversation, nous avons tout de même appris que les Canadiens ne combattent plus seulement les talibans dans la province de Kandahar. «Maintenant, affirme l'ambassadeur Mamedov, nous savons qu'il y a des combattants en provenance de la Tchétchénie qui combattent pour la première fois les Canadiens en Afghanistan.»
Donc, pour Moscou, il serait souhaitable que le Canada aille au-delà de la date butoir de février 2009 en Afghanistan. «C'est dangereux de partir, soutient le représentant russe, parce que si les talibans gagnent, votre sacrifice et ceux de l'OTAN auront été inutiles. Si les talibans gagnent, cela va redonner de l'essor au terrorisme mondial. Tout est relié. On ne peut rien faire qui donne de l'encouragement aux radicaux. Nous devons aider aussi longtemps que l'aide sera nécessaire pour créer un climat de stabilité en Afghanistan. Il n'y a pas d'autre scénario possible. Il faut affaiblir les talibans et promouvoir le gouvernement en place.»